vendredi 11 mars 2011

11. La physique réelle et la vie

Q. Vous dites que les machines en général et les ordinateurs en particulier se contentent d'une physique classique utilitaire tandis que la vie et les cerveaux profitent de la physique réelle. Qu'a-t-elle de plus ? La différence tombe du ciel ?

JNC. Je parle de physique réelle pour marquer ce fait que la physique classique est définitivement insuffisante. Elle ne pourra jamais expliquer la conscience, pas plus qu'elle n'a pu expliquer la matière. Mais nos calculs ne peuvent atteindre cette physique réelle, sans que pourtant aucun Dieu ou daïmon ne vienne mettre son grain de sel dans la nature pour faire apparaître des formes vivantes explicitement voulues.

Q. S'il n'y a pas un dessein intelligent définissant chaque espèce, la matière n'est-elle pas cependant soumise à une sorte de pente, comme celle qui fait descendre un fleuve vers la mer, sans qu'on sache par avance par quels chemins il contournera des obstacles aléatoires ? Cette pente ferait s'agglomérer la matière dans des structures de plus en plus riches, comme les ruisseaux se réunissent en fleuves. Et alors, mêmes s'il y a des impasses, des monstres, on aboutit toujours à l'embouchure de la vie consciente.

JNC. Poussez votre image. Vous semblez voir la matière soumise à cette pente comme Newton voyait la matière soumise à un champ de gravitation qui lui était extérieur. Mais Einstein a compris qu'il fallait insérer la masse et le champ dans une seule réalité physique. L'un ne baigne pas dans l'autre, ils sont unis dans une seule théorie physique. De la même façon, j'accepte votre image à condition d'inclure la pente dans le monde  que la physique réelle doit embrasser. Elle n'est pas un bain surnaturel où la matière naturelle serait immergée. Il n'y a pas d'une part une physique-chimie de la matière ordinaire, d'autre part un ajout divin qui produirait l'agglomération des molécules en cellules, la reproduction et la vie.

Q. Mais alors la physique n'attend-elle pas un nouvel Einstein biologiste capable d'inclure cette pente dans une physique incluant la vie ?

JNC. Il ne viendra pas. Car Einstein, comme tous les physiciens, a exprimé ses inventions au sein d'une logique démontrable, et tous les nouveaux Einstein seront soumis à cette contrainte pratique. Or la réalité native, sous-tendant la physique réelle, s'insère dans ce qui est vrai et indémontrable, dans les incomplétudes de Gödel. Pour la décrire logiquement, il faudrait savoir décrire l'échec de la logique. Ce programme porte en soi sa propre contradiction. Voir le monde de profil, c'est-à-dire enfermé dans la logique, ça ne marche pas, parce que justement, si cette vue était vraie, on ne pourrait rien voir. On verrait un monde sans invention, invention dont le sujet a besoin  pour observer un objet, ce qui s'autodétruit.

Q. Mais cette invention au sein de la physique réelle, ne devrait-elle pas sauter aux yeux des savants ? Quand j'étudie la reproduction sexuée, la croissance d'un embryon, j'ai le sentiment d'une quantité extraordinaire d'inventions. Si extraordinaire que des milliers de chercheurs, bien loin d'avoir inventé ce processus, essaient  encore de le comprendre, bien qu'ils l'aient sous le nez. Alors pourquoi les biologistes sont-ils insensibles à cette inventivité ?

JNC. Quand on observe la croissance d'un embryon, on n'observe pas une véritable naissance. Le réel natif ne s'observe pas, il observe. Si vous visitez une usine d'aviation, vous y voyez concourir savamment quantité de processus de fabrication, électroniques, métallurgiques, informatiques, qui pourront un jour être automatisés. Vous voyez seulement des résultats d'inventions, pas les inventions elles-mêmes. Mais comme vous savez bien qu'il y a des bureaux d'études à l'origine de tout cela, vous comprenez que les inventions y sont cachées, qu'elles forment une multitude que votre imagination, votre science, appliquées durant toute votre vie, ne pourraient jamais démasquer complètement.
  Mais en biologie, personne n'a jamais vu le bureau d'études. Aussi, voyant que l'usine est une machine, et postulant que la physique classique représente le tout du réel, le darwiniste fondamentaliste refuse l'intelligence cachée, ou plutôt il fait semblant de ne pas la voir car en fait il nierait sa propre intelligence. Il dit que l'usine s'est faite par hasard, et qu'elle a tué ses concurrents moins performants. Et pourtant chacun sait que tout aléa dans un processus de fabrication, sans jamais produire une nouvelle espèce d'avion, ni même une petite amélioration, provoque le crash. Une poussière dans une puce électronique, cela n'a jamais arrangé les choses, définitivement. Pour ce darwiniste, la chance répétée réglerait tous ces problèmes, à l'encontre du hasard destructeur que nous constatons tous les jours dans nos fabrications, et plus efficace que nos intelligences réunies et acharnées au travail depuis des siècles.
  Le darwiniste plus fin suppose que l'usine bénéficie d'un processus d'organisation au deuxième degré, capable d'amortir les erreurs de fabrication (on trouve cela parfois dans la réalité technique), et les rendant même productives (cette fois personne n'a jamais su faire). Il ne fait que reporter le problème, parce que son ambition finale est encore de nier la super-invention cachée là-derrière. Sous prétexte qu'il ne peut pas l'observer. Mais bien sûr,  les inventions sont vécues seulement à l'intérieur de soi-même.

Q. Mais il n'y a personne dans votre usine biologique, où sont donc les bureaux d'étude qui ont mis au point les inventions et automatisé la fabrication ?

JNC. Le bureau d'études, c'est vous, vous qui vous extasiez en découvrant et en vivant une à une les inventions vitales.

Q. Comment ? Le bureau d'études précède l'usine de fabrication, il ne lui succède pas !

JNCVous raisonnez dans un monde d'apparences où les objets se distribuent dans le temps et dans l'espace, alors que la réalité native est située à la racine des apparences, au moment où le sujet et l'objet, l'inventeur et l'objet de son invention, sont en cours de séparation mais pas encore séparés. Dans la réalité native, l'invention de l'instant présent équivaut à sa contemplation.

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