L'intelligence naturelle


  Le cerveau est vu par la science comme un une multitude de neurones interconnectés. En fait, comme les neurologues sont incapables de  décortiquer l'agitation des milliards de neurones, ils agissent comme les spécialistes des ordinateurs, tout aussi incapables de gérer directement  les milliards de transistors qui se cachent dans une machine. Ils cherchent un modèle logique capable de représenter les fonctions mentales de haut niveau, tout comme l'ingénieur cherche des descriptions fonctionnelles logiques pour programmer sa machine. Ce faisant, qu'il le veuille ou non, le neurologue s'occupe d'une machine inconsciente, enfermée dans une forteresse logique (voir la page Gödel), tout comme l'informaticien invente une machine inconsciente. Cette machine est si dynamique, si capable de progrès (les machines peuvent évoluer par une sorte d'apprentissage), qu'on tend à projeter sur elle une conscience, par empathie, comme on en projette sur les machines de l'IA. Il n'empêche, ce modèle mental reste machinal. La différence, c'est que la machine "intelligente" obéit strictement aux descriptions fonctionnelles de son inventeur, parce qu'il les a traduites implicitement en une suite de "machine-instructions" soumises au déterminisme de la physique utilitaire, au travers d'une cascade d'outils logiciels de plus en plus proches des engrenages électroniques, tandis que le cerveau du patient ne dérive pas du modèle imaginé par le neurologue, mais en dévie inévitablement, parce qu'il respecte cette fois la physique réelle, que le neurologue ignore, et à l'intérieur de laquelle le "je" est caché (voir la page IA). A l'occasion de cette déviation, le patient exprime cette fois une conscience propre et pas seulement projetée, que le neurologue comprend comme la preuve du matérialisme (la conscience surgissant hors de la matière soi-disant assujettie au modèle), alors qu'elle manifeste au contraire l'incongruité de ce modèle, comme celle de tout modèle. 
  Quoi qu'il en soit, il vient toujours un  moment où les "mécanismes" mentaux du patient transgressent le modèle de façon flagrante, quand il éprouve une émotion nouvelle inconnue de tous, du neurologue en particulier. "Il shoote dans les instruments de mesure". La conscience est liée au shoot, à la sortie hors du modèle. 
   
  Il n'y a pas  un siège de la conscience dans le cerveau, celle-ci est au contraire liée au passage d'un siège à un autre, d'une logique à une autre.
  
  Mais nous ne devons pas tomber nous-mêmes dans les tares d'une modélisation que nous voulons critiquer. Affirmer que le patient sort d'une logique pourrait laisser entendre qu'il y a été enfermé, autrement dit qu'un jour il a été réduit  à l'état d'une machine. Or à aucun moment il ne peut s'y réduire. Sans quoi, machine un jour, il resterait une machine pour toujours. Lier la conscience à la sortie d'une vieille logique ne doit être pris que comme une image. Ne voyons pas la conscience comme une vertu surajoutée à une machine cérébral logique, mais voyons le cerveau comme fondamentalement réfractaire à être décrit logiquement et objectivement, aussi réfractaire que n'importe quel agrégat de molécules, n'importe quel corpuscule (le cerveau est soumis à la même physique). Dans les expériences physiques classiques ce défaut est invisible, dans le cas du cerveau il jaillit de la complexité. Comme il apparaît aussi dans la microphysique quantique, certains physiciens cherchent à déduire l'inexplicabilité du cerveau de celle des corpuscules qui le composent (voir les tentatives de Penrose ). Mais ces tentatives nous paraissent vouées à l'échec, car le propre de l'inexplicable est de défier toute logique. 
   La science peut décrire seulement les souterrains, pas les courants d'air qui les traversent (voir le rocher de Magritte). Elle cherche à décrire le profil d'une réalité native qui ne se révèle que vue de face.

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