Pourquoi ce blogue ?

 Apprendre la physique au lycée il y a un demi-siècle, c'était étudier un monde classique, objectif, quasi certain. On vénérait implicitement le démon de Laplace, qui, connaissant tous les ressorts de l'univers, pouvait prédire son avenir. Dans les études supérieures, il subissait quelques attaques, mais pour avoir une chance de maîtriser le monde, mieux valait les ignorer.
  Qu'en est-il aujourd'hui ? Sans doute les notions très branchées de chaos et d'effet papillon ont-elles fait rentrer le démon de Laplace dans sa boîte, mais sérieusement, par qui a-t-il été remplacé ? Silence. Non seulement un voile est tiré sur le fond des objets physiques, mais aussi on tourne le dos au voile. 
  Cette idée de voilage paraît peut-être vague, mais c'est à la suite d'un travail très précis de physique et de philosophie que Bernard d'Espagnat a développé le concept de "réel voilé" (voir ci-contre son Traité de physique et de philosophie). Il a ainsi posé une interdiction : la science ne pourra pas retirer le voile. Et au fond est-ce étonnant ? Comment une description physique objective pourrait-elle rendre compte d'un monde qui contient le sujet observateur ? Il reste à deviner ce qui se cache derrière le voile, en cultivant en soi l'intuition d'une réalité éternelle.
  On peut penser que cette intuition relève des philosophies ou des religions. Mais la philosophie bute sur la physique (voir l'onglet Controverse Staune Comte-Sponville). Quant aux religions, elles se basent sur une révélation surnaturelle. Elles ne considèrent la nature physique qu'à reculons, Galilée en sait quelque chose. Mieux vaut tenter de partir de la science, en comprenant qu'elle donne une vision du monde sous-naturelle, qu'il faut compléter. L'échange déroutant mais naturel qui lie un corpuscule microscopique au physicien qui l'observe est seulement le symptôme d'un échange naturel et universel liant le mathématicien à ses équations, le poète à sa poésie, le peintre à sa peinture, le cosmologue à l'univers, le sujet à l'objet. La science, concernée seulement par le coté objectif de cet échange, est incapable de regarder la réalité en face, mais elle en révèle au moins un profil précis. L'intuition, qui a l'ambition de la regarder en face mais s'égare facilement, doit tenter de faire sortir de l'ombre une image compatible avec ce profil.
  Nous tentons ici de marier intuition et raison pour jeter quelques traits de lumière sur la face d'une réalité qui restera toujours inaccessible. Ce faisant on entrera peut-être en compétition, espérons en collaboration, avec certaines idées religieuses, mais certainement délestées d'habits encombrants.