mercredi 23 février 2011

10. Réel voilé ou natif ?

Q. Vous dites que le sens des mots est défini par l'usage qu'on en fait, soit ! Mais si l'usage conduit à des sens flottants c'est gênant. Je vous avoue que c'est un peu mon cas pour des mots comme "réel" ou "réalité", "apparence", "réel en soi". Et puis vous faites usage de la notion de "réel voilé", mais cela ne vous empêche pas d'introduire un nouveau qualificatif, le "réel natif". Pourquoi ?

JNC. On est en droit d'utiliser un mot très riche, "réel", dans des sens différents, selon le contexte. Encore faut-il l'y faire vivre, quitte à y passer du temps et à faire de la littérature. Alors parlons de contextes.
  Dans la vie courante, je dis que le mur a une réalité, parce que si j'y cogne ma tête, ça fait mal. C'est une réalité objective. Cette dure réalité a pourtant un coté positif, du moins elle éveille un espoir : celui d'une forme de stabilité, d'éternité. Tant pis si nous nous sommes cognés à un mur solide, cela vaut mieux que des murs indolores qui changeraient de place ou s'évanouiraient tout seuls. Dans le contexte de la vie pratique, nous projetons ce désir d'éternité dans les objets que nous qualifions de réels, nous pensons implicitement qu'ils "sont", en soi, et tant pis pour Kant, et tant pis pour les mécaniciens quantiques. Au contraire dans ce contexte commun, ce qui se passe dans notre tête, les idées, les émotions, sont d'une réalité amoindrie, vaporeuse, très éloignée de la solidité du mur. On serait assez enclin à les qualifier d'apparences provisoires.

Q. Pourtant il ne faut pas oublier la dégradation et la mort. Le mur s'écroulera, comme notre front d'ailleurs, qui disparaîtra parfois bien avant.

JNC. Oui, la mort des choses, la nôtre, s'insinuent dans ce contexte commun, comme un fond de musique triste caché derrière notre sentiment habituel de réalité. Nous baissons le son pour vivre avec optimisme dans ce monde ordinaire, mais malgré tout il nous faut affronter la déficience finale de ce contexte. Et puisqu'il est déficient, retournons-le comme un gant, pour évoquer cette fois un réel véritablement éternel, situé hors du temps. Si par définition le mot "réel" désigne maintenant quelque chose d'éternel, nous devons reléguer la dureté du béton au niveau des apparences, cela va ensemble. Les murs, les casseroles, les ordinateurs, les cadavres, deviennent des apparences. Dans ce contexte éternel, c'est la conversion des objets courants en apparences provisoires qui devient une petite musique, joyeuse cette fois.

Q. Encore faut-il que ce réel éternel recouvre bien quelque chose, et que cette chose soit riche, productive. Vous avez dit que vous inversiez le contexte. Le réel approximatif du mur est devenu une apparence, mais pourquoi les idées, l'émotion, seraient-ils maintenant un réel éternel ? Et puis n'y a-t-il pas quand même un fond éternel derrière les murs et derrière toute matière ?

JNC. Précisément. Raisonnant dans le contexte commun, les physiciens sont partis à la recherche d'une réalité vraiment solide cachée au fond de la matière dont sont faits les murs ; une réalité débarrassée de la petite musique. Ils ont fouillé toujours plus profond parce qu'elle se dérobait sans cesse. Et à la fin, ils ont dû avouer qu'ils n'y arriveraient jamais, tout en reconnaissant qu'il y a bien là au fond quelque chose, hors d'atteinte ; une sorte de suc éternel, qu'on ne peut atteindre dans le contexte commun.

Q. Ce suc secret et éternel dans le monde physique, est-ce pour vous le réel voilé de d'Espagnat ?

JNC. A condition de préciser le contexte. Pour moi, quand le physicien affirme "le réel est voilé", il suggère justement un changement de contexte, et place le mot "réel" à la charnière. Car au moment où il découvre que ce mot, dans le contexte commun, objectif et mortel, est inadapté à la compréhension du monde, il comprend aussi qu'il peut désigner le fond d'une nouvelle réalité, propre à un contexte éternel où enfin, la conscience humaine est partie prenante, au lieu d'être réduite à une apparence.

Q. Voulez-vous dire que la science physique va pouvoir repartir sur de nouvelles bases ?

JNC. Certainement pas. La physique ne peut pas explorer ce contexte éternel. On a passé son temps dans une démarche analytique liée au contexte commun, il est exclu qu'on puisse rebrousser chemin dans une démarche synthétique où se construit une réalité éternelle à l'opposée du réductionnisme. C'est parce que ces deux courants analytiques et synthétiques ont des vocations opposées, l'un pour tenter de dévêtir le monde de tous nos sentiments, l'autre pour le revêtir, que j'ai besoin de l'expression "réel natif". Le réel natif est l'objectif final à découvrir et à goûter dans le contexte éternel, suc de nos émotions et des objets qui les provoquent, tandis que le réel voilé désigne le point charnière à l'origine, constat d'échec du contexte commun, mais témoin de l'existence d'un tréfonds solide, garant de la solidité des apparences, de notre solidarité empathique et matérielle, de l'échec du solipsisme.

Q. Mais finalement, vous choisissez cette inversion de contexte à cause d'un constat d'échec. C'est un peu mince. Ce n'est pas parce qu'on n'aboutit pas en suivant un chemin dans un sens qu'on est sûr d'aboutir dans l'autre.

JNC. Vous parlez de ça comme si on devait choisir entre deux produits dans une boutique. Mais si le contexte habituel est une façon de voir le monde que vous pouvez mettre sur un étalage, décortiquer savamment, le contexte éternel est existentiel, nous sommes dedans. L'enfant, le poète, l'artiste, (le religieux aussi mais il manque souvent de naturel) ressentent ces moments de création où émotion naissante et objet naissant fusionnent dans un réel natif, éprouvé de façon intemporelle, comme le décrit si bien Proust. Le réductionnisme fait vaciller notre confiance en cette expérience d'éternité, alors que l'aveu du réel voilé le conforte très solidement. Une  essence de l'émotion, de la conscience, abandonne son apparence fuyante pour un statut de réalité éternelle, à condition de l'unir à un fond de réalité objective qui ne se dévoile précisément que dans l'émotion.


mercredi 16 février 2011

9. La naissance des lois

Q. Si les lois de la physique ne sont pas d'essence éternelle, divine, d'où sortent-elles ?

JNC. Elles viennent de notre relation aux apparences, mécaniques, mortes. Nous pouvons échanger avec les autres, avec nous-mêmes, seulement sur des apparences répétitives. Nous en avons besoin pour la stabilité de notre vie pratique. Et seuls les phénomènes répétitifs donnent lieu aux expériences sur lesquelles se fondent les sciences. Elles prévoient comment les choses vont se répéter, et nous en informent, nous qui n'avons pas le loisir de repasser par toute l'expérience accumulée au cours des siècles. Mais il y a mieux. La physique ne légifère pas seulement les mouvements, elle cherche aussi à voir l'immobilité cachée derrière les mouvements répétitifs, pour chasser définitivement les forces occultes. Le physicien n'aime pas que les cailloux tombent, même s'ils tombent toujours de la même façon. Il n'est jamais agréable au physicien de dire qu'une force lie deux objets triviaux, il préfère trouver un point de vue plus abstrait depuis lequel les deux objets paraissent immobiles. On cherche des invariants. On se sent à l'aise dans les formules seulement si le temps est réversible, ce qui en fait un temps mort, étranger au temps de Bergson. On rit parfois de ce que leurs équations compliquées finissent par "égale zéro". Mais c'est la clé de la prévision : si on sait que dans la formule quelque chose augmente, une vitesse, un volume, alors on en déduit  qu'autre chose doit diminuer pour que ça fasse toujours zéro.

Q. Qu'est-ce qui ne varie pas quand un caillou tombe de la tour de Pise ?

JNC. Son énergie. Au sommet de la tour l'énergie cinétique est nulle, l'énergie potentielle est maximum. A l'arrivée, c'est le contraire, mais la somme est restée la même tout au long de la chute. Et on a compris qu'il fallait inclure dans l'énergie la chaleur dégagée dans le caillou stoppé au sol, pour qu'elle soit encore conservée. Ainsi, pas à pas, au cours de l'histoire, on a enrichi la notion d'énergie pour qu'elle se conserve toujours mieux, en ajoutant l'énergie chimique, électrique, de masse, en la rendant de plus en plus abstraite. Mais ce n'est pas une raison pour croire que l’énergie serait divine, tombée d'un ciel abstrait. Nous sommes tentés de penser que nous découvrons cette notion parce qu'elle existe, mais en fait elle existe parce que nous la découvrons, et nous la découvrons parce que nous la cherchons, comme invariant. Par ailleurs l'idée d'une force poussant le caillou vers le sol déplaît au physicien scrupuleux. Einstein nous a fait comprendre que le caillou était immobile, dans une vision de l'espace plus abstraite, à la fois tordue mais belle.

Q. Permettez-moi d'insister. Si on découvre avec joie ces notions abstraites, comme on découvre une pépite, n'est-ce pas qu'elles existent déjà, au moins dans un monde abstrait ? Peut-on se passer d'un Dieu, ou bien d'un daïmon, pour établir les règles stables assurant les besoins de notre vie pratique comme vous l'avez dit vous-même ?

JNC. Pour répondre, je vous propose de passer par ce dessin, chargé d'une lourde responsabilité symbolique puisqu'il veut représenter le monde, à la fois vu de face, dans sa réalité, et à l'envers, dans son apparence. Les lampes sont la vue de face, les vases sont la vue à l'envers. En fait ces deux séries de formes sont plutôt complémentaires, mais je ne suis pas capable de dessiner l'endroit et l'envers de quelque chose, sur un seul dessin.

Q. Et je devine que vous ne savez pas non plus dessiner les vols d'oiseaux dont vous parlez dans "Fugue en Dieu majeur". Mais c'est aussi bien ; sauf que vos vases sont ambiguës, vous le savez ; on peut y voir aussi des profils adossés.

JNC. Je ne veux pas jouer ici sur cette ambiguïté. Une seule me suffit, je dois choisir entre lumières et vases. Et j'affirme cette fois que la réalité réside seulement dans les lumières. C'est en elles que se trouve la vie, la nouveauté intemporelle, l'émotion, la poésie indicible. Mais comme Monsieur Jourdain découvre que s'il parle en vers, alors il ne parle pas en prose et réciproquement, comprenez que le contraire du changement, de la nouveauté, dans le monde réel, est l'invariance, dans le monde complémentaire des vases. Et bien entendu c'est aussi un monde de tables, de maisons, d'ordinateurs, de voitures, de tous ces mécanismes qui nous sont communs. Ce monde-là est dans la nuit, il émerge à notre conscience seulement parce que nous autres, hommes mortels, participons à ces deux mondes.  Objets apparents, mais accédant à la réalité native par des rais de lumière issus du monde vrai, nous prenons conscience des vases et autres objets grâce à notre dualité. A tout moment des portes ouvrant sur la lumière s'entrouvrent pour nous, avant de se refermer lentement et sûrement. A cette occasion nous projetons sur les objets cette conscience élémentaire qui nous fait penser qu'ils existent, et nous déposons en eux l'absence de nouveauté qui les fait s'intégrer dans des invariants et des mécanismes morts. Le monde apparent avec ses lois n'est que le contraire du monde lumineux où tout est en train de naître, matière et conscience réunies. 

Q. Mais si vous le permettez, comme vous êtes créateur de ce dessin, je vais vous assimiler un instant au créateur du monde, même si vous récusez ce terme dans l'aphorisme 20. Vous avez vous-même combiné l'imbrication des lampes et des vases. Vous l'avez calculée. Vous êtes à la fois le créateur des lampes et des vases ; créateur du réel natif mais aussi des règles physiques et mathématiques.

JNC. Oui, je suis coupable. En dessinant les lampes j'ai prémédité les vases. J'ai dû être retors parce que limité. Tandis que ce créateur est droit, pur. Il est compétent seulement en lumière, il a dessiné la vue de face, pas l'envers. Il ne sait pas ce que c'est, ça se fait tout seul, comme complément de la vue de face. Si bien que des tas de gens le prient pour éviter les guerres, les maladies et les tremblements de terre, alors qu'il n'est compétent ni en tremblements de terre ni en mathématiques. Et ça ne marche pas.

Q. Mais la joie de la découverte scientifique, vous ne pouvez la nier ? Il y a là quelque chose qui s'échappe du monde des lumières…

JNC. Oui. Relisez Molière. Monsieur Jourdain se réjouit de comprendre qu'il parle en prose quand il ne parle pas en vers. Comprendre sa propre place dans le système, comprendre le rapport entre les apparences et la réalité, cela émerge du monde des lumières, ou cela le crée, selon votre point de vue, comme toute découverte. Et puis on peut atteindre la vérité par défaut, en comprenant ce qu'elle n'est pas. On éclaire alors ce qu'elle est, en négatif. Le physicien débusque pas à pas chacune de ses erreurs, qui s'amenuisent sans cesse, mais ne disparaissent jamais. S'il s'entête, cela le stresse, mais cela peut le réjouir s'il comprend pourquoi c'est sans fin, pourquoi il ne réussit qu'à perfectionner des mécanismes. 
  Alors finalement, si vous en êtes à chercher des daïmons, je vous propose celui de Gödel, qui instille une incomplétude au sein de toutes les théories, parce que ces théories, enfermées dans une logique qui décrit le monde vu à l'envers, ne contiendront jamais les sauts de logique qui composent le monde vrai.

Q. En somme vous mettez la réalité seulement dans le progrès des apparences, disons même dans une sorte de dérivée des apparences si je me souviens de mes mathématiques élémentaires.

JNC. C'est une idée rivale de celle des vue de face et à l'envers, que j'ai utilisée en particulier dans un article intitulé "Du réel voilé au réel natif" : "Si le monde des choses est la fonction, la vraie réalité est sa dérivée". Ou bien, changeant de point de vue et sollicitant encore vos souvenirs de lycéen, je dirai que les apparences sont la fonction primitive de la vraie réalité, une accumulation de cendres dans notre passé, une solidification dans notre esprit.

vendredi 11 février 2011

8. Le cosmos dompté

Q. A force de fouiller dans le détail microscopique, on finit par trouver des corpuscules dont la réalité est voilée, dites-vous. Ce n'est pas trop étonnant, parce que personne n'a jamais vu ces corpuscules, ils sont trop petits. Mais que faites-vous de cette énorme boule de feu, le soleil ; que faites-vous des galaxies avec leur milliards de soleils, et des milliards de galaxies dans des espaces inimaginables ? Comment cette énorme réalité pourrait-elle se cacher ?

JNC. Vous venez de le dire vous-même : c'est voilé parce que c'est inimaginable. Le terme "énorme" que vous venez d'employer renvoie à une émotion ressentie devant un éléphant, les chutes du Zambèze, un pétrolier, mais croire extrapoler ce genre de sentiment en proportion de distances que des scientifiques vous ont inculquées, c'est une illusion. D'ailleurs est-il nécessaire de naviguer au travers des galaxie pour devenir incapable d'imaginer l'espace ? Imaginez-vous l'espace d'un département français ? Non, vous imaginez à peu près bien cent mètres, puis encore cent mètres, mais vous imaginez assez mal un kilomètre. Imaginer un kilomètre, cela veut dire retrouver le plus petit commun dénominateur des émotions ressenties devant des situations où notre corps apprivoise cette distance, la parcourt, bute sur les accidents du sol, voit défiler des allées d'arbre ou la succession des rues. Quand la distance croît, vos sentiments ne peuvent plus se fixer, ils se dispersent. La perception d'une grande distance suppose la vitesse, pour la résumer en un seul mouvement de l'esprit. Mais la vitesse détruit le sentiment d'espace : vous distinguez seulement le point de fuite de votre course, l'espace latéral est balayé. Les kilomètres que vous avalez sur une autoroute excitent en vous des sentiments d'ennui, de confort ou de fatigue, d'ivresse de la vitesse, mais ce sentiment est complètement différent du sentiment d'espace donné par votre jardin, qui est déjà différent de celui que vous donne votre chambre. Le sentiment d'espace associé à cent mètres n'est pas cent fois le sentiment d'espace associé à un mètre. Et le sentiment d'espace associé à la distance de la lune n'existe plus. Cet espace n'est qu'un mot, à la rigueur un vague sentiment d'impuissance et d'inaccessibilité, mais surtout aujourd'hui de déférence accordée à un nombre avec beaucoup de zéros, qui peut entrer dans des calculs. Quand on dit cela, je crois d'ailleurs qu'on fait plaisir à Bergson.

Q. Mais pourtant, des astronautes sont allés sur la lune, ils ont éprouvé des sensations d'espace complètement nouvelles ?

JNC. Oui, des situations particulièrement inconfortables, des spectacles inhabituels. Leur sensation d'espace est déterminée par l'attente, le danger, la surcharge technique, l'apesanteur, la crudité de la lumière et de la nuit. Certes les astronautes ont dû éprouver une sensation étrange à regarder la terre comme on regarde la lune depuis la terre, sans plus éprouver la notion d'énorme distance qu'on n'éprouve celle de la lune, mais en imaginant l'énorme vie qui y grouille, ou plutôt en songeant que cet énorme grouillement de vie dépassait complètement leur imagination. Vous voyez que je peux, moi aussi, utiliser le qualificatif "énorme", mais pour parler de la vie ! Ce sont là des sentiments humains, qui ne préparent en rien des sentiments d'extraterrestres. Liés non pas à de très grandes distances, mais à une capacité de poésie, capacité mise à l'épreuve ici, au raz du sol, sans avoir besoin de partir dans l'espace. L'astronaute prosaïque n'est pas capable de vibrer dans l'espace, moins capable qu'un poète devant une prairie vibrante et papillonnante, ou une ville bourdonnante.  Ecoutez Proust :
"Des ailes, un autre appareil respiratoire, et qui nous permissent de traverser l’immensité ne nous serviraient à rien, car si nous allions dans Mars et dans Vénus en gardant les mêmes sens, ils revêtiraient du même aspect que les choses de la terre tout ce que nous pourrions voir. Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux, de voir l’univers avec les yeux d’un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d’eux est."

Q. Vous n'êtes donc pas impressionné par l'idée de ces autres planètes, très loin d'ici, supportant d'autres consciences peut-être, nous remettant ainsi à notre place, dérisoire dans le cosmos ? Ne pas être capable d'éprouver quoi que ce soit pour ces mondes immenses et inconnus, n'est-ce pas une déficience ?

JNC. Les matérialistes qui gouvernent les médias vont tous les jours à la chasse des représentations conscientes, en nous disant que la réalité matérielle n'est pas à chercher dans un vase mais dans l'argile qui le constitue, que la réalité de l'argile est à chercher dans les molécules qui le constituent, celle des molécules dans les atomes, et ça continue jusqu'à je ne sais quelle particule de Dieu ! Et ce sont les mêmes qui voudraient nous impressionner par les représentations illusoires que l'on devrait se faire de planètes inconnues, de gnomes verts aux pouvoirs intellectuels supérieurs ? De qui se moque-t-on ? Qu'ils utilisent les représentations conscientes, ou qu'ils les gomment une fois pour toutes, mais qu'ils ne s'en servent pas seulement quand ça arrange leur matérialisme !

Q. Mais si nos sentiments sont impuissants, si nous sommes incapables d'imaginer quoi que ce soit de l'immensité du cosmos, n'est-ce pas précisément qu'il y a là une réalité qui nous dépasse complètement, une réalité "en soi"? Ce n'est pas parce que nous sommes incapables d'imaginer une chose qu'elle n'existe pas. Elle existe encore si je meurs.

JNC. Parler de l'univers en oubliant la conscience que nous en avons, imaginer un univers où jamais aucune conscience ne serait apparue, c'est une contradiction. On ne peut pas prendre conscience de l'absence de conscience. Vous me dites : le monde n'a pas besoin de moi pour exister. Je vous réponds : si je n'étais pas né le monde n'existerait pas. Je ne dis pas que vous avez complètement tort, mais je vous dis que j'ai aussi tout à fait raison. Il faut garder à l'esprit cette double vérité. Et quand on la tient, on comprend que le monde est un pouvoir d'apparition, celle du réel natif. Ce qui apparaît, ce n'est pas je ne sais quelle énormité de distances, de nombres, de masses. Ce qui apparaît, ce sont des émotions humaines, celle du berger la nuit dans la montagne, celle de l'astronome qui développe ses négatifs dans l'observatoire et comprend des règles d'apparition. Celles-ci sont valables pour tous, et c'est en ce sens que le monde n'a pas besoin de vous. Il met toujours le même masque, visible pour qui veut l'observer. Mais si personne ne l'observe, il n'y a pas de masque. Et ce qui est derrière le masque, c'est un tréfonds dont il n'y a rien à dire.

Q. Accordez alors à ces règles d'apparition la vertu d'être une donnée éternelle, une sorte de Dieu mathématique.

JNC. Il faudrait bien plaindre les enfants, qui ne comprennent rien aux mathématiques, alors qu'ils voient Dieu en face, très flou certes, mais en face ! Le cosmos est à la mesure des enfants, il est à la mesure de l'homme ; nous en reparlerons. En tous cas, assez de soumission aux espaces infinis ! Notre coeur est plus grand que l'univers immense et mort. Il faut redevenir anti-copernicien, pas pour prétendre que le soleil tourne autour de la terre, mais pour affirmer que l'univers regardé est suspendu au regard de l'humanité.

mardi 8 février 2011

7. Le chat de Schrödinger

Q. Je me pose la question : y a-t-il une action de l'esprit sur la matière ? Dans l'expérience des fentes d'Young , un électron passe par deux fentes à la fois si on ne cherche pas à savoir par où il passe, mais si on observe la sortie des fentes pour le savoir, alors il choisit l'une ou l'autre. Il passe de l'état et (une fente et l'autre) à l'état ou (une fente ou l'autre) simplement parce qu'on l'observe. C'est un peu mystérieux.

JNC. Incompréhensible pour les matérialistes. Et ce qui rend la chose encore plus incompréhensible, c'est le vocabulaire qu'on emploie. On dit souvent que l'électron est à la fois onde et corpuscule ; onde quand il passe par les deux fentes à la fois, corpuscule quand il passe par une seule. On veut à tout prix lui donner une double réalité. Comme si ce n'était pas déjà une faute suffisante de lui en donner une. L'électron n'est ni une onde, ni un corpuscule, mais pour prévoir son comportement observable, on utilise un type de modèle mathématique employé pour décrire des ondes (les ondes hertziennes par exemple), aussi on l'appelle la fonction d'onde. C'est un modèle strictement de profil (voir l'onglet Réel natif ), enfermé dans les souterrains de la logique sans aucun éclairage permettant d'évoquer un corpuscule concret. Et la physique réelle, qui suppose les sauts de logique, proteste en cassant le déroulement de la formule mathématique. C'est ce que les physiciens appellent la réduction de la fonction d'onde, cul de sac logique évoqué par Feynman
   
Je reprends l'exemple de ce vase ambiguë. On tente d'atteindre le fond du réel par une descente, réductrice, en allant des pixels noirs à l'encre, aux molécules, aux atomes, aux électrons et aux noyaux d'atomes ; en avançant difficilement dans une impasse, et finalement les corpuscules, qui ne sont décidément pas une matière "en soi", refusent de jouer le jeu. Tout ce qu'ils nous proposent, c'est de rebondir sur le fond, pour remonter et reformer des atomes, puis des molécules d'encre, vues comme des pixels à la surface. Une expérience quantique comme celle des fentes d'Young, c'est l'amorce du retour, le rebond élémentaire, avec apparition d'un objet paradoxal déjouant toute réalité triviale. Si l'électron paraît être une onde abstraite, c'est par la faute d'un physicien conscient qui prétend voir le monde de profil alors que tout est éteint dans cette vue. S'il paraît être un concret étrange, non-séparable, c'est pour corriger l'erreur, mais il n'y a pas action d'une conscience sur une matière séparée. Le corpuscule n'est pas créé par la conscience, mais son apparence est liée à la conscience, tandis que sa réalité est voilée.

Q. Je vois l'impasse, au bout de la descente microscopique au fond des choses. Mais puisque on déchosifie parfois aussi le monde macroscopique, dans le cas de l'émotion artistique, ou dans ce vase, peut-on penser à une remontée des bizarreries quantiques depuis le détail microscopique jusqu'à la surface macroscopique de ce vase ambiguë ?

JNC. Si vous voyez mon dessin comme une illustration du passage depuis l'état "et" jusqu'à l'état "ou", pour ceux qui sont rebutés par la physique, c'est très bien. Mieux vaut être un poète avec des idées floues, mais justes, et pas un savant avec des idées précises mais fausses, comme ceux qui croient aux univers parallèles.
 D'ailleurs, ce vase peut aussi donner une illustration de la non-séparabilité : si notre esprit choisit soudain la signification d'un double profil, l'apparition du profil gauche implique le profil droit, instantanément, et réciproquement, même si la figure est large de dix mètres ; les profils sont inséparables, comme deux corpuscules couplés semblent se conditionner instantanément, quelle que soit la distance qui les sépare.
 Mais si vous poussez trop loin la comparaison, si voulez dire qu'il peut y avoir une transmission d'un état "et" depuis le niveau microscopique jusqu'au niveau macroscopique, tout au long de la remontée vers la surface des objets ordinaires, pour expliquer l'union objet-sujet, alors vous allez trop vite. Le réel natif qui nous concerne tous, gens de bon sens, celui que nous percevons quand Marius Borgeaud nous offre sa peinture, celui qui est senti par  Proust devant un buisson d'aubépines, ne se déduit pas mathématiquement de la physique quantique. Celle-ci prouve seulement qu'à force de raffiner des erreurs, on est finalement corrigé, même fouetté par la vraie réalité. Celle-ci transcende les apparences matérielles, qui sont seulement comme les caractères  hiéroglyphiques d'une langue inconnue donnant accès à un monde nouveau. Le déchiffrage de cette langue n'est pas accessible au savant mais à l'artiste qui dort en chacun de nous. En disant cela, j'emprunte à ce passage de Proust :
"…quand je fixais avec attention devant mon esprit quelque image qui m'avait forcé à la regarder, un nuage, un triangle, un clocher, une fleur, un caillou, en sentant qu'il y avait peut-être sous ces signes quelque chose de tout autre que je devais tâcher de découvrir, une pensée qu'ils traduisaient à la façon de ces caractères hiéroglyphiques qu'on croirait représenter seulement des objets matériels. Sans doute ce déchiffrage était difficile, mais seul il donnait quelque vérité à lire…"

Q. Il nous dit que les objets triviaux cachent une autre vérité, mais je ne vois plus comment la physique quantique peut nous aider à découvrir celle-ci.
Je vous avoue que j'étais assez idéaliste avant notre discussion, et qu'en vous demandant si les états "et" se prolongeaient dans le monde ordinaire, j'avais le secret espoir de conforter une idée qui m'était venue en prenant connaissance il y a déjà longtemps du fameux paradoxe du Chat de Schrödinger. Si je résume cette expérience, , un état microscopique de type "et" se propage comme une avalanche jusqu'à un niveau macroscopique où un chat est retrouvé à la fois mort et vivant… Comme en fait nous  ne le voyons pas dans cet état, j'en concluais que nous sommes incapables de voir le fond des choses, alors que la physique pourrait atteindre celui-ci. C'est donc la physique quantique qui me faisait espérer une sorte de spiritualisme quand j'étais soumis à un réalisme ordinaire. Mais maintenant que vous me dites que les états "et" ne se propagent pas, je ne sais plus où j'en suis. La mécanique quantique serait-elle dépassée ?

JNC. D'une certaine façon vous aviez raison, la physique suggère qu'il existe des réalités que nous sommes incapables de voir, mais ça ne se passe pas comme vous l'imaginiez.
D'abord, quand je dis que les états "et" ne se propagent pas, je n'infirme pas la mécanique quantique mais au contraire je la confirme.  Une théorie dite de la décohérence a montré que l'état du chat mort "ou" vivant peut être déduit de la physique quantique elle-même. Quand on étudie des systèmes microscopiques qui interagissent avec les apparences du monde ordinaire au lieu d'être bien isolés comme ils le sont dans l'expérience des fentes d'Young, l'apparence fait tache d'huile et tout se passe comme si les états "et" devenaient "ou".  Autrement dit, la physique quantique se raccorde naturellement à une physique classique où les choses sont ou ne sont pas, que nous les regardions ou pas.

Q. Mais alors la physique n'a plus rien à dire quant au fond des choses ?


JNCLa physique a encore quelque chose à dire.  Alors que dans une vue chosiste du monde, les objets ont des caractéristiques, poids, longueur ou autres,  indépendamment du fait que nous les regardons ou pas, dans la mécanique quantique le fait de mesurer une caractéristique sur un système microscopique peut impliquer qu'une autre caractéristique perd sa signification. Eh bien la théorie de la décohérence laisse, théoriquement, la porte ouverte à des expériences de ce type, sur les systèmes macroscopiques cette fois. On pourrait effectuer par exemple certaines observations sur le chat, qui rendraient impossible la détermination et même la notion de ses deux états mort ou vivant. C'est une grave fêlure dans le réalisme.

QVous dites "théoriquement", mais peut-on faire ces expériences, "en fait" ?

JNC. Non, parce qu'elles sont d'une complexité incalculable. Et c'est pour cela que vous étiez aussi dans le vrai, nous sommes incapables d'observer la vraie réalité. Si nous prenons au sérieux notre incapacité à faire ces observations au lieu de la négliger, alors nous ajouterons la découverte de cette incapacité, comme une fondamentale acquisition de la science, qui éclaire notre position par rapport au monde : Nous, apparences aussi bien locales que séparées, voyant seulement les apparences locales et séparées, qui sont seulement des déchets du réel natif, nous sommes par nature incapables de prendre connaissance objectivement du réel natif, non local et inséparable, qui est à la source de notre conscience. Nous sommes pris dans le cercle. La physique ne révèle pas ainsi sa force, mais sa faiblesse, qui est aussi la nôtre. Je complète : Elle révèle une force, mais la force de trouver par elle-même ses propres limites. C'est un aveu d'incapacité à atteindre une physique réelle ; la physique reste utilitaire. La fêlure  se propage dans le réalisme, le monde est voilé entièrement, pas seulement les électrons, les noyaux et les photons. Le panneau d'interdiction planté devant la recherche de la réalité microphysique, il est aussi planté sur le chemin de la macrophysique.


Q. La physique trouve ses limites définitivement ? Elle n'en dira pas plus sur la relation esprit-matière ?

JNC. La physique n'en dira pas plus parce qu'elle est elle-même le fruit de cette relation. C'est grâce à cette relation que des répétitions se révèlent dans le monde, qui autorisent une science qui laisse de coté la nouveauté; par constitution et pas par faiblesse provisoire, en oubliant fondamentalement que si un chat est un paquet de viande, froide ou chaude, c'est aussi un être vivant mystérieux et déroutant. Alors merci à cette petite incapacité, qui autorise la vie, même si, grâce à la décohérence, la physique quantique rejoint la physique classique, pour triompher dans un monde mort d'où toute conscience est absente, tout art, toute civilisation. Elle triomphe pour justifier un monde incapable de produire ou d'expliquer la conscience qui la fait triompher. Si c'est ça une victoire, elle se passe dans la nuit souterraine du rocher de Magritte, pas dans les océans, les airs et la lumière de la vie.
Si on reprend les images employées par Proust, tous les physiciens peuvent reconnaître et étudier des hiéroglyphes bien formés, établir leur catalogue très savant. Certains d'entre eux avouent qu'il n'y a pas là seulement des objets matériels, mais y décèlent les signes d'un langage. Mais les nouveaux Champollion, capables de le décrypter, n'apparaissent pas dans leur communauté savante. Ils naissent dans la communauté des enfants, des poètes et des artistes, dans laquelle leur intuition scientifique les introduit aussi secrètement  Ce langage ne nous permet pas d'échanger seulement avec les êtres conscients, mais aussi avec un nuage, un triangle, un clocher, une fleur, et même un caillou.

mercredi 2 février 2011

6. Du vu au visible

Q. Votre blog semble basé sur des idées issues de la mécanique quantique, et puis voilà que vous parlez d'art. Quel grand écart ! Chacun est un peu artiste, je le comprends, mais est-on irrémédiablement "hors du coup" si on ne connaît rien à la mécanique quantique ? 

JNC. Non. La mécanique quantique libère une perception très naturelle du monde, qui a été muselée par deux siècles de scientisme. Elle nous permet de revenir à nos sources intuitives.

Q. N'est-ce pas très dangereux ? Les gourous, les fondamentalismes redressent la tête aujourd'hui. 

JNC. Parce qu'ils réagissent artificiellement contre un scientisme supposé vainqueur, alors qu'il s'agit de profiter naturellement d'un scientisme vaincu. Il n'est plus besoin de chercher dans le surnaturel ce qu'on peut trouver dans un monde naturel bien compris : la "dématérialisation" du monde, dans une contemplation profane. Ecoutez Paul Valéry, qui ne peut pas être soupçonné de religiosité abusive, dans son petit Alphabet :
« Toutes ces choses qui sont en ce moment même et qui sont comme si elles n’étaient point…
Rendre purement possible tout ce qui existe ; réduire au purement visible ce qui se voit, telle est l’œuvre cachée de l’âme avant qu’elle s’applique à quelque objet et qu’elle s’emploie à quelque dessein […]
».
 Paul Valéry fait part d'une expérience poétique matinale, avant que les mécanismes de son cerveau se soient mis en route pour remettre en place les déchets du réel natif. Cette œuvre cachée de l'âme, c'est ici un effort pour retarder le moment où l'on fait effort ; une nudité enfantine, mais portée par un sujet adulte, un éblouissement de l'esprit qui suppose le monde mais le rend seulement visible, au sens de pouvant être vu, avant de l'être.

Q. Je vois vaguement ce qu'il veut dire, mais il faudrait beaucoup de poésie pour affiner mon impression trop synthétique. N'auriez-vous rien de plus précis ?

JNC. Regardez ce dessin sur cette feuille de papier. Vous vous demandez sans doute si cela représente un vase ou deux profils dos à dos. Alors tâchez de vous détendre au point de renoncer au choix. Vous aurez devant vous une chose qui est comme si elle n'était pas, réduite au visible, au possible.

Q. Mais vous parlez de l'interprétation d'un dessin et pas d'un objet.

JNC. Tous les objets naissent d'une  interprétation. Celle-ci semble commune quand nous les utilisons de la même façon, et alors ils paraissent exister "en soi". Mais si nous découvrons dans des fouilles archéologiques un objet dont nous ignorons l'usage, les uns y verront un instrument rituel, d'autres un grattoir, ce sera seulement un "possible" dont la réalité pseudo-indépendante n'apparaîtra qu'à l'étage inférieur, quand on en sera réduit à le décrire comme un morceau de cuivre, ayant un creux ici, une bosse là. Mais en fait tout est représentation, l'apparence du cuivre autant que celle de l'objet en cuivre. Cette forme cuivrée résulte aussi de nos représentations enfantines, comme toutes les représentations de base. Alors on descendra plus loin, en faisant de la physique-chimie. La descente dans le détail, pour se débarrasser des représentations, c'est l'alibi du scientiste qui affirme la réalité des choses. Quand le vulgum pecus ne voit plus rien parce que c'est trop petit et trop mathématique, alors il abandonne la partie au scientiste, et le tour est joué. Mais la mécanique quantique déjoue cette escroquerie. Alors il n'est pas nécessaire d'être un scientifique pointu pour retrouver le bon chemin, il suffit d'être naturel.
 De la même façon la dématérialisation de mon dessin semble disparaître quand on vient à dire que c'est une tache noire sur un fond blanc. Mais on pourrait considérer que c'est une plage blanche sur un fond noir. Il faut aller plus loin et en arriver à définir des pixels noirs ou blancs, une courbe qui les sépare, définie par une certaine équation mathématique. Mais le pixel est une représentation, il faut encore descendre pour décrire ce qu'est une molécule d'encre filtrant la lumière pour noircir un pixel. Et ce n'est pas fini ! Qu'est-ce qu'une molécule ? Qu'est-ce que la lumière ? La pseudo-réalité indépendante des objets n'est qu'un but extrême, au bout de ce chemin réductionniste. Du moins on espérait l'atteindre, avant de se heurter au mur logique de la physique quantique. Mais quel désastre que cette descente réductionniste ! En chemin on perd tous les vêtements sentimentaux, concrets, dont on habille les objets, on perd les résidus subjectifs du réel natif, aussi respectables que les résidus objectifs.
 Et si l'on cherche à faire le chemin inverse, tout nu, on doit humblement reconnaître sa faute pour les récupérer un à un et se revêtir. Le scientifique qui s'attache à la base soi-disant réelle, les molécules de papier et d'encre par exemple, quand il remonte à la feuille de papier tachée, il est bien obligé de s'adresser à la conscience qui est en lui, qui sait ce qu'est une feuille de papier, à force de dévaluer ces moments de réel natif où, enfant, il a froissé et déchiré des petits morceaux de papier. Et en fait, il a besoin de consciences tout au long de sa remontée, car il n'a pu discourir de molécules sans se référer aux idées des savants qui les ont inventées.
 Au moins, tous ces physiciens étaient d'accord entre eux. Mais voici qu'au plus haut niveau de sa remontée, il ne sait plus à quelle signification aboutir. Est-ce un vase ou un double profil ? La réponse n'est pas et ne sera jamais dans les livres de physique, ce dessin n'a pas de réalité "en soi", indépendante d'un sujet.

Q. Serait-ce un objet dans deux états à la fois ? La possibilité qu'a cet objet d'être à la fois vase et profils, en l'absence d'observateur, puis soudain de devenir l'un des deux par décision mentale d'un observateur, n'est-ce pas un peu ce qui se passe en microphysique, quand on doit considérer qu'un corpuscule passe par deux fentes à la fois, sauf si l'on cherche à savoir par où il est passé ? Alors soudain il passe par l'une ou l'autre des fentes. Il passe d'un état "et" vers un état "ou". A la fois vase et profils, puis soudain vase ou profils.

JNC. Dans les deux cas n'y a pas d'objet tant qu'il n'y a pas de sujet, il n'y a qu'une possibilité d'objet, oui cela ressemble. Mais ce n'est qu'une ressemblance, il faudrait aller plus loin. Disons que cela suffit au non-scientifique qui est en vous.